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Nous
retiendrons le qualificatif "à la française"
pour opposer une certaine structure de comble très courante dans l'ensemble
des régions françaises à des modèles mécaniquement
plus originaux que l'on rencontre dans les constructions anciennes de Flandre
et de l'Ardrésis.
Les combles que nous appelons "à la française" sont caractérisés par la présence de fermes triangulées selon la conception mécanique la plus achevée : entrait bas, arbalétriers longs, poinçon long. Les charpentiers contemporains, au savoir technique standardisé, réalisent toujours ce modèle et le baptisent "charpente à ferme latine".
L'utilisation quasi générale de cette structure dans les régions de tradition latine confirme effectivement la pertinence d'une telle attribution culturelle.
Il apparaîtra d'autant plus efficace d'opposer ce type de structure à celle qu'utilisèrent les charpentiers flamands jusqu'au milieu du XIXe siècle. La conception latine des combles se révèle donc avoir supplanté historiquement les pratiques flamandes de l'art de la charpenterie, tout comme elle a supplanté aux XIXe et XXe siècles les pratiques lorraines (poteau central), alsaciennes (portique sans faîtage) et toutes les autres manifestations originales de construction en bois, spécifiques de particularismes régionaux. Une éventuelle itinérance des charpentiers est-elle à l'origine de cette diffusion technique ? Aucun document ne peut jusqu'à ce jour l'attester pour des régions, tel le nord de la France, peu connues pour la mobilité de leur main-d'uvre.
Quoi qu'il en soit, la force technologique des charpentes "à la française" réside très vraisemblablement dans le recours à un faîtage de bois emmanché dans le tenon des poinçons et muni de liens de contreventement. Ces dispositions, qu'ignorent systématiquement les charpentiers flamands, allemands et anglais jusqu'au XIXe siècle, sont par contre présentes dans la charpenterie vernaculaire de la plupart des régions françaises dès le XVIe siècle.
Elles permettent en particulier une bonne tenue des bâtiments face au déversement longitudinal et, malgré les efforts plus importants demandés au cours du levage, donnent aux bâtiments une meilleure conservation dans le temps.
Les charpentes "à la française"
prédominent largement dans tous les secteurs de parler picard, y compris
dans les zones aux toponymes flamingants du Pas-de-Calais dans lesquels le parler
flamand n'a laissé aucune trace dans les mémoires. Dans tous les
cas, les charpentes "à la française" sont systématiquement
associées au pan de bois de type picard (décharge interrompant
les colombes).
Source : L'architecture rurale française - la manufacture (ISBN 2-7377-0111.2)