| |
Des effets décoratifs peuvent être obtenus soit par la diversité d'arrangements de briques homogènes soit par l'introduction de briques de teintes différentes. La variété des teintes est obtenue par de petites différences dans la cuisson : les briques les plus cuites sont plus foncées et plus brillantes, les moins cuites plus claires et plus ternes. C'était, pour les utilisateurs, les maçons, un jeu que d'utiliser ces briques disparates pour en faire un ensemble harmonieux, un décor.
Dans l'état actuel des informations sur la chronologie des maisons de brique ainsi décorées, il n'est pas possible d'établir l'origine et l'évolution de ces ornements. Il semble que ce classement doive commencer par les Flandres si on se réfère à l'origine de la construction en brique dans l'Europe du nord-ouest.
Le décor en forme de losange est l'élément de base de la plus grande partie des motifs que l'on peut observer. A ces lignes obliques, on peut ajouter quelques lignes droites horizontales et verticales qui forment le plus souvent une croix. Le cœur que l'on observe fréquemment n'est qu'un losange dont le quart supérieur a été retourné vers le bas. Le nombre des figures obtenues est donc limité.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Les figures formées se ramènent à neuf motifs qui reviennent régulièrement : le cœur, la croix latine, la croix de Saint-André (emblème des ducs de Bourgogne), le losange seul, l'entrelacs, les étoiles, le quadrillage, les initiales, l'odal et l'ing. Ces derniers seraient, selon les érudits locaux, des caractères sacrés de l'ancienne écriture des Germains et des Scandinaves : les runes.
L'odal
est formé de deux losanges reliés par une ligne brisée,
sans rapport direct avec aucune rune des deux alphabets connus. L'ing est constitué
par un losange dont les côtés sont prolongés et barrés
d'une croix de Saint-André. L'odal désignerait le patrimoine héréditaire,
la spécificité de l'homme libre, de celui qui ne relevait que
du soleil. L'ing serait le symbole de la fécondité, de la famille,
de la prospérité.
Le mot rune vient de l'ancien scandinave rûnar, qui signifie écriture secrète. Les runes sont les caractères des plus anciens alphabets scandinaves et germaniques. Il se composent de traits se coupant à angle aigu. Dans cette écriture les lettres étaient dotées d'une puissance magique et seuls les initiés pouvaient la transcrire. Pendant toute la période d'expansion germanique, elle est gravée sur les pierres, les métaux. De nombreuses inscriptions du VIIe au VIIIe siècle attestent que l'aristocratie Franque employait ces caractères.
Mais, plutôt que du souvenir d'hypothétiques runes, la répétition de ces motifs ne vient-elle pas de la facilité de tracer, avec les briques, des lignes obliques qui se croisent ou s'accolent pour former des losanges, des croix ou des cœurs ?
La fantaisie dans la disposition et l'emploi des briques éloigne toute monotonie. Certains pignons n'ont qu'un motif, d'autres sont ornés de plusieurs décors, de dates, etc..., mais l'ensemble est toujours harmonieux.
Depuis les premières utilisations de "runes" jusqu'aux plus tardives au XIe siècle, on sait que l'évolution va dans le sens de la simplification, mais l'alphabet runique n'offre plus alors aucune ressemblance avec les motifs de briques observables aujourd'hui. Les seuls témoignages d'emploi de runes en Europe occidentale datent du premier millénaire et sont le fait de lettrés.
Source : L'architecture rurale française - la manufacture (ISBN 2-7377-0111.2)