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Depuis que l'homme cultive la terre, il n'a cessé de créer des instruments pour faire toujours plus vite, moins difficilement, avec l'espoir d'obtenir de meilleurs résultats. L'araire, la charrue, puis la fameuse moissonneuse gallo-romaine ont ouvert la voie à bien d'autres inventions pour aboutir de nos jours au tracteur "intelligent". Comment en est-on arrivé là ?
Les prémices de la mécanisation se situent à l'âge du fer, c'est à dire la période qui s'écoule de 750 av. J-C à la conquête romaine (prise d'Alésia en - 52). Les Gaulois introduisent le cheval de selle, les chariots attelés tirés par les bovins et les outils en fer. Vers - 500, un petit nombre de charrues disposent d'un soc en fer et d'un avant-train à roues, une amélioration qui va permettre de cultiver de nouveaux espaces. Quant à la charrue à versoir, elle serait apparue vers - 200.
De l'occupation de la Gaule par les Romains, on retiendra la naissance de la moissonneuse gallo-romaine, une caisse poussée par un attelage et dont les dents arrachent ou sectionnent les épis qui viennent s'entasser à l'intérieur.
Le
Moyen Âge (814 à 1314) est marqué par l'utilisation du cheval et l'invention
du collier d'épaule qui triple ou quadruple la force de traction et permet au
cheval de tirer la charrue. Les efforts des éleveurs porteront sur la sélection
de races nouvelles en vue d'obtenir des animaux plus puissants.
A partir du XVllléme siècle, les exploitations de taille familiale qui exploitent entre 5 et 20 hectares, comportent le plus souvent un attelage de bovins et un araire ou charrue primitive. Le binot (lourde charrue entièrement en bois) est encore largement utilisé. Les labours sont superficiels et croisés. Dans le même temps, l'outillage agricole se perfectionne : la charrue possède un coutre, un soc et un versoir montés sur un bâti ; la herse équipée de dents en fer est tirée par le cheval qui va deux fois plus vite que les bœufs ; le rouleau est entouré de pointes ; la moisson se fait à la faucille et le battage est réalisé au fléau (les rendements oscillent entre 8 et 10 q/ha et ce jusqu'en 1850).
Non
seulement la herse pulvérise la terre, mais elle sert encore à enlever les mauvaises
herbes et à enterrer les semences. Sur une terre bien labourée, le hersage doit
être donné en travers, c'est-à-dire perpendiculairement à la direction du dernier
labour. Lorsque les dents de la herse n'agissent pas assez profondément, on
charge le bâti en y plaçant de grosses pierres. Parfois même, le conducteur
y monte dessus. Dans les terres de moyenne consistance et qui ne sont pas infestées
de mauvaises herbes, un homme peut herser en moyenne trois hectares par jour.
Au XVllléme siècle, l'agriculture nécessitait peu d'outillage ; selon une étude réalisée par R. Hubscher, une ferme artésienne de 10 hectares possédait en tout et pour tout une charrue ou un binot, une herse, un van, une charrette, un tombereau.
Ce n'est qu'au cours du 19ème siècle que la faux se substitue à la faucille. Bien qu'elle permette une économie de main-d'œuvre, la faux est critiquée dans les premiers temps parce qu'elle coupe trop bas et oblige le faucheur à se courber davantage. Elle représente néanmoins un progrès considérable. Un bon ouvrier fait à la faucille de 18 à 20 ares par jour, et à la faux de 40 à 60 ares. Dans les régions du Nord, de l'Est et du Midi, où la paille a une certaine valeur et où les gerbes sont conservées pendant plusieurs mois en granges ou en meules, on coupe les tiges de blé à quelques centimètres seulement au-dessus du sol. Dans les contrées où l'on apprécie peu la paille, on coupe entre 30 et 50 centimètres.
L'amélioration du travail du sol fait l'objet d'une recherche acharnée des agronomes entre 1750 et 1850. Le premier brabant double est inventé en 1825. Mais les plus grands progrès dans le domaine du labour sont obtenus par l'emploi progressif de l'acier (John Deere, 1837). De nombreux équipements voient le jour : le rouleau croskill qui facilite le broyage des mottes ; le semoir en ligne qui permet de placer le grain à la bonne profondeur ; la faucheuse Mccormick (arrivée en France vers 1855) construite à Croix, dans le Nord ; la batteuse mue par une locomobile à vapeur qui va de ferme en ferme pendant près d'un siècle.
Malgré toutes ces inventions, un hectare de blé nécessite trente jours de travail d'homme, neuf jours de travail de femme, quatre jours de travail d'enfant et vingt neuf jours pour les bêtes.
Pour le fanage qui consiste à soulever et à éparpiller l'herbe fauchée dans le but de la sécher on faisait appel à des fourches en bois ou à une faneuse mécanique. On évalue le travail d'une faneuse d'une largeur de 2 mètres à celui de 15 femmes. Une fois desséché, le foin est mis en tas au moyen de râteaux à main ou mécaniques ; cette opération terminée, on procède enfin au bottelage. La conservation du foin a une grande importance car ce fourrage constitue la principale réserve alimentaire pour le bétail en hiver. Le foin peut être conservé en meules mais il est généralement transporté à la ferme sur des charrettes ou des chariots. Après quoi, il est entassé dans les granges et même parfois sur les fenils ou les greniers situés au-dessus du bétail. On bottelle le foin à un, à deux ou même à trois liens. Le poids des bottes est variable mais se situe aux environ de 5 kilos. Le bottelage du foin permet un rationnement plus régulier du bétail.
En 1900, deux vedettes trônent à l'exposition universelle de Paris : la plus grosse locomobile du monde (Lanz) et la faucheuse automobile (Lanz). S'agissant des premiers tracteurs, ils sont montés sur des roues métalliques ou possèdent des chenilles, ce qui permet d'améliorer leur adhérence au sol. Dans le domaine de la motorisation, la recherche s'intéresse aux moteurs fonctionnant aux dérivés du pétrole (Case, Caterpillar, lH ou encore Marhall et Massey entrent en compétition). Progressivement, la traction à vapeur puis le moteur à explosion se substituent à la traction animale. D'autant que la guerre de 1914 a montré la nécessité d'une intensification de la production.
A partir des années 20, le remplacement de la main-d'œuvre par des machines va accélérer l'exode rural et pour cause : une moissonneuse-lieuse fait en une journée le travail de douze ouvriers, le semoir mécanique n'utilise que 80 à 130 litres de froment pour ensemencer un hectare alors que "le geste auguste du semeur" en dépense 220 à 240. A partir de 1926, le moteur Diesel suscite un certain intérêt ; malgré tout, l'heure est au semi-Diesel. A la suite de Lanz, d'autres tractoristes (Landini, Bolinder, Le Percheron, Société Française de Vierzon...) s'imposent d'autant plus facilement qu'ils peuvent fonctionner avec les combustibles les plus divers, en particulier au cours de la Seconde Guerre Mondiale.
Entre les deux guerres, la France qui recense 1 800 000 exploitations dispose de plus d'un million de faneurs et râteaux à cheval et 1 388 000 faucheuses mais seulement 27 000 tracteurs (il est vrai que les constructeurs produisent un matériel lourd, proche parent du char d'assaut).
Au sortir de la guerre, la majorité des constructeurs offre une nouvelle gamme de tracteurs. Malheureusement, le plan Marshall qui déverse ses baby-tracteurs en Europe ruine les efforts des constructeurs français ; seul Renault parvient à résister.
Dans les années 50, le moteur Diesel se généralise et la moissonneuse-batteuse envahit la campagne française. Le manque de main-d'œuvre, le développement du remembrement, l'agrandissement progressif des exploitations, la recherche de rentabilité qui passe par l'accroissement des rendements, l'importance accordée au confort dans le travail... vont largement contribuer à l'essor du machinisme en agriculture jusqu'à nos jours.
L'arrivée des nouvelles technologies qui ouvrent de nouvelles voies, celle de l'agriculture de précision en particulier, n'a pas fini de nous étonner ; d'ici 2003, les premiers tracteurs équipés d'un guidage automatique entreront dans les cours de ferme. De là à imaginer des campagnes sans paysans, il n'y a qu'un pas !
Sources : LES CHAMPS DES MILLENAIRES -
agriculture horizon
PAYSANS D'AUTREFOIS et de TOUJOURS - Claude Bailhé (ISBN 2-86726-2038)