LE TONNELIER
Le
tonnelier ne fabriquait pas uniquement des tonneaux, il pouvait aussi confectionner
de la "petite vaisselle" : des jales, des entonnoirs, des cuviers, des barattes
de ménage et des tinettes à salaison. Les fermiers réclamaient également beaucoup
de baquets qui leur servaient d'abreuvoirs dans les étables. Le tonneau exigeait
adresse et efforts de l'homme qui le fabriquait. L'attirail du tonnelier ne
paraissait guère dangereux pour celui qui savait le manier.
La fabrication des tonneaux
Le bois le plus employé pour la fabrication des fûts destinaient
à l'élevage du vin est le chêne. Le chêne merrain est celui le plus utilisé.
On le trouve dans les forêts domaniale, géré par l'ONF, et dans les forêts privée,
géré par les CRPF (Centre Régional de la Propriété Forestière). La forêt privée
couvre 3 millions d'hectares, contre 1 à la forêt domaniale.
C'est Colbert qui a été le vrai créateur d'un office forestier
d'Etat, dans le but essentiel de s'assurer une production de mâts suffisante
pour les navires. Dans une forêts domaniale la rotation dure 250 ans tandis
qu'elle atteint juste 100 à 150 ans dans une forêts privé. Depuis Colbert on
fait de la haute futaie, en créant de l'obscurité, dans les forêts domaniales.
Le chêne planté à forte densité pousse très lentement en cherchant la lumière
vers le haut. Pour ne pas étouffer les plus beaux arbres, il faut passer éclaircir
tous les dix ou quinze ans, afin de contrôler la densité.
L'ONF régule la croissance. Evidemment le marché des mâts s'est
un peu calmé ce dernier siècle. Celui de la tonnellerie aussi, jusqu'à récemment.
Car si l'œnologie des années 60 et 70 était presque entièrement consacrée à
l'hygiène et au bon déroulement des fermentations (le béton et l'acier moins
coûteux, plus faciles d'entretien et de manipulation, remplaçaient le bois)
on a redécouvert depuis 1979 que l'élevage en barriques pouvait conférer au
vin des arômes supplémentaires.
Mais tous les chênes ne sont pas égaux devant la barrique :
- Le "sessile" est considéré comme le meilleur. C'est celui qui a la croissance
la plus lente et apporte le plus d'arômes.
- Le "pédonculé" est plus tannique et jugé moins porteur d'arômes. Traditionnellement,
on s'en servait surtout pour les alcools.
- Le chêne "blanc" américain, très peu poreux et qu'on est pas obligé de
fendre, au contraire des deux autres. Avec le chêne américain, la production
peut être mécanisée et la barrique coûte moins cher, mais les saveurs qu'il
procure sont très violentes, et le vin prend parfois des arômes de glace plombières
ou de bourbon un peu surprenants.
La redécouverte des vertus des barriques a nettement favorisé les forêts domaniales,
les plus riche en chênes sessiles, à croissance lente. Mais, en vérité, rien
ne garantît l'origine des bois. Si le tonnelier n'achète pas en forêt, il se
retrouve face à une série d'intermédiaires qui peuvent fort bien lui conter
des fables. Courtiers, fendeurs, mérandiers, exploitants forestiers : à tous
les niveaux on peut tricher.
La forêt privée contient quand à elle essentiellement du "pédonculé", rarement
du "sessile".
Les étapes :
- LE CHOIX DES ARBRES ET LA VENTE : Le choix des arbres en forêt se fait
en été ou au début de l'automne. La mesure se prend avec un pied à coulisse.
Il faut un diamètre respectable de 50 cm en moyenne, cela représente un arbre
de 200 ans environ. Les ventes sont organisées à partir d'octobre, il y en
a une par département. Chaque acheteur a son propre carnet avec ses estimations
lot par lot. La vente commence à un prix plafond et descend, le premier qui
dit "je prends" a gagné. Evidemment, ce système tire les prix vers le haut,
d'autant que les acheteurs ne peuvent pas s'entendre entre eux car l'ONF fixe
un prix de retrait qu'ils ne connaissent pas. Dès qu'il est atteint, il retire
le lot de la vente.
- L'ABATTAGE : A la fin de l'automne et en hiver, les chênes sont abattus
et laissés sur place. On écarte les arbres trop petits, tordus et malades
puis on mesure du pied jusqu'au premier défaut avec un mètre à pointe. On
met un coup de peinture pour indiquer cette limite.
- LE MARQUAGE : L'arbre est identifié par une plaquette où figurent un numéro
et ses mesures. Le bois est débardé et mis en bord de route, pour être ensuite
transporté sur le chantier du tonnelier. Ce marquage par le tonnelier évite
la fraude et garantit l'origine.
- LE STOCKAGE : Les grumes sont stockées environ un an et régulièrement arrosées
"pour éviter que les insectes viennent piquer le bois".
- LE BILLONNAGE : Le billonnage, c'est la découpe du tronc en longueur de
1 mètres pour préparer les futures douelles (planches du tonneau) qui, à l'arrivée,
font 95 centimètres.
- LE DEBITAGE : La douelle n'est pas sciée mais fendue avec un coin. Le chêne
est poreux, et la seule façon d'assurer l'étanchéité, c'est de le fendre dans
le fil du bois par rapport au rayon médullaire, c'est à dire en partant du
cœur, un peu comme on coupe un gâteau. Chaque part du gâteau, c'est un quartier,
un secteur triangulaire qui fait à peu près 15 centimètres de large, côté
écorce. Et chacun de ces secteurs deviendra une douelle ; on a 80 % de pertes
! Le travail n'est pas mécanisable. C'est l'œil du fendeur qui va limiter
au maximum la perte. Ensuite, c'est l'équarrissage des faces. Après rabotage
pour calibrer l'épaisseur, on obtient une douelle de merrain apte à faire
une barrique.
- LE SECHAGE : Le séchage naturel à l'air libre a plusieurs fonctions. D'abord
l'extraction naturelle de l'eau de constitution du bois. On passe de 100 %
à 16 ou 18 % en deux ans. Le lavage par la pluie élimine le tanin, la verdeur
du bois. La durée va marquer le fût. Le chêne mature et se charge en enzymes.
Un séchage long donne des barriques douces qui respectent le fruit. Un séchage
court donnera un vin plus rustique.
- L'USINAGE (1): On scie les bouts des douelles et on pratique le dolage.
Il s'agit de raboter en donnant une concavité au bois. On "afflèche", aussi,
la douelle pour qu'elle puisse entrer dans les cercles et accepter le galbe
de la barrique. On prépare la fonçure, l'assemblage des fonds avec des tourillons,
des chevilles. On utilise des joncs pour faire les joints entre chaque planche
de fond.
- LE MONTAGE : C'est d'abord l'appareillage. Sur une table, on mesure les
largeurs des douelles pour arriver à une largeur totale qui correspond à la
circonférence puis au volume souhaité de la barrique.
- LA MISE EN ROSE : Il s'agit du montage des douelles autour d'un cercle.
- LA CHAUFFE : La première étape de chauffe est destinée au cintrage des
douelles. On place un brasero de chutes de chêne pour faire monter en température
la coque de la barrique, et on arrose en même temps pour dilater les pores
et donner de la souplesse. L'opération dure environ quinze minutes.
- LE CERCLAGE : La barrique est retirée du brasero. On l'apporte au cabestan,
on la retourne et un câble qui sert la coque permet de placer les autres cercles.
- LE BOUSINAGE : C'est la seconde phase de chauffe. Il s'agit d'un brûlage
intérieur qui va jouer sur les arômes. Suivant la demande du client, on propose
trois degrés. La chauffe faible qui favorise l'expression des arômes de vanille,
c'est environ quinze minutes. La chauffe moyenne, de trente minutes, développe
la vanille mais aussi le pain grillé, la réglisse. La chauffe forte, quarante-cinq
minutes, c'est le café, le grillé, le toasté, ce qu'on appelle les arômes
whisky lactone.
- L'USINAGE (2) : C'est une série d'opération de finition. Le rognage des
bouts de la barrique, la découpe de la fonçure, la pose de la fonçure. Dans
le jable, c'est-à-dire la rognure, là où va s'encastrer la fonçure, on met
de la farine de blé qui va faire une sorte de mastic et assurer l'étanchéité
entre le fond et les douelles. On ponce, on fait le trou de la bonde. On fait
aussi les cercles de fer définitifs et, pour certaines barriques, on ajoute
encore des barres de renfort avec des chevilles en châtaignier.