Pour
faire un bon ouvrier charpentier, il fallait être un garçon robuste et adroit
de ses mains, de préférence peu sujet au vertige et avoir énormément de réflexion
en tête.
Avant les années vingt, les charpentiers portaient une ceinture de tissu enroulée autour des reins. Ces turbans étaient un signe distinctif entre les ouvriers puisqu'ils changeaient de couleur selon l'âge du charpentier : rouge pour les apprentis et les jeunes, bleue pour les hommes en pleine force et maîtrise, noire enfin pour les vieux compagnons.
L'outillage traditionnel se composait de la besaiguë pour creuser les mortaises, de l'herminette pour fignolait l'équarrissage des pièces et de la scie à tenon. A ces outils primordiaux s'ajoutaient les tarières pour percer les trous des chevilles, les rénettes pour tracer les lignes et marquer le bois, les planes pour affiner les bédanes à mortaiser, les rouannes, les ciseaux, les maillets et les marteaux , la scie de long.
Les essences employées le plus couramment se limitaient au chêne pour les pièces verticales et au sapin pour le reste de la charpente. Mais le bois idéal était le châtaignier car aucun insecte ne s'y mettait jamais. On récupérait également, dans les charpentes à démolir, tout ce qui pouvait resservir. Voilà pourquoi on remarque, dans la toiture des vieilles bâtisses, des mortaises qui ne correspondent à rien.
Jadis, on ne couchait pas un arbre sans se soucier de la bonne période, qui allait de novembre à février. Ce sont les 4 mois de basse sève. Cette précaution prise, inutile de traiter le bois à l'insecticide. Certains charpentiers bûcheronnaient eux-mêmes les arbres, d'autres achetaient des rondins aux particuliers ou aux scieries.
Par commodité, le bois était travaillé vert et ne séchait qu'une fois mis en œuvre, à raison d'une année par centimètre d'épaisseur. Cette façon de procéder causait les gerçures qui fendent souvent la charpente des demeures d'antan…
Les charpentes d'autrefois étonnent surtout par les dimensions imposantes de leurs composants. C'est qu'en ces temps-là, on pensait que les forêts seraient inépuisables et, par conséquent, qu'il était mesquin de mégoter sur les grumes à mettre en œuvre. Une autre raison à ces énormes poutres était la facilité : on équarrissait les troncs à la hache et on les utilisait entiers pour s'épargner un sciage de long. Le bois était beaucoup moins cher qu'à présent et il ne méritait pas, alors, qu'on s'use la santé pour économiser trois fois rien.
Une fois bâties au sol, les fermes de la charpente était hissées sur leur murs d'appui au moyen d'une bigue haute de 6 à 7 mètres. Il s'agissait de 2 pieux attachés en triangle et solidement haubanés, supportant une poulie à leur sommet et, en bas, un tambour de cabestan autour duquel s'enroulait la corde de levage. On montait la première ferme, on l'étayait, on plaçait la deuxième que l'on reliait sans attendre à la précédente en clouant les chantignoles, les pannes et le faîtage, et ainsi de suite. Enfin, on posait les chevrons puis les coyaux avant de passer le relais aux couvreurs.
Les maîtres charpentiers signaient rarement leur œuvre, sauf parfois dans des constructions difficile comme les moulins à vent. En diverses contrées, les charpentiers se servaient de leur copeaux comme isolant. Il en bourraient les planchers et y glissaient des branches de houx ou d'épine par crainte que des rats n'y élisent domicile.
La fête de la corporation était la Saint-Joseph mais beaucoup préféraient patienter jusqu'à la Sainte-Anne pour festoyer en compagnie des menuisiers.
Source : LA BELLE OUVRAGE - G. BOUTET - ISBN 2.86553.096.5