LE BOURRELIER

 

L'ouvrage ne manquait pas ; entre les harnais à créer et les harnachements à ravauder. De plus, le travail n'était point pénible.

Le premier emploi d'un apprenti consistait à poisser le fil de chanvre que le bourrelier recevait en pelote. On engluait le fil en le tirant sur son genou dans un morceau de cuir plié contenant une noisette de poix, puis on le lissait avec un chiffon de façon qu'il glisse bien à la couture.

On tortillait ensemble deux, trois ou quatre brins selon la résistance désirée ; on appointait le cordonnet obtenu et on enfilait une aiguille à chacun de ses bouts pour permettre une couture croisée.

Le bourrelier maintenait son cuir avec de longues pinces en bois, sur lesquelles il s'asseyait, après avoir percé les avant-trous à l'alêne. Il se protégeait parfois les paumes sous un gantelet appelé "manique". Le manche arrondi d'une alêne, en buis, servait au besoin à enfoncer l'aiguille.

Outre les alênes et les aiguilles, l'outillage du bourrelier se composait de tranchets, de couteaux à pied pour amincir le cuir, de couteaux mécaniques (avec réglette graduée serrée par une vis) pour découper les peaux en bandes régulières, d'un compas pour mesurer, d'un marteau, de pinces et de tenailles. On retrouvait évidemment la plupart de ces outils chez le cordonnier, l'autre travailleur du cuir dans le village. Le tranchant des lames était soigneusement effilé sur une pierre à huile.

Les tanneurs livraient le cuir en demi-peaux roulées qu'il fallait redresser dès réception. Il était rainé au poinçon et à la règle avant d'être découpé au couteau à pied. On prélevait les sangles et les traits du harnais, ainsi que toute autre pièce soumise à rude effort, dans le cuir épais des bœufs. En revanche les colliers, éléments plus raffinés, étaient quelquefois taillés dans le cuir souple des moutons. Les colliers et les panneaux de selle étaient garnis de poil de chèvre ou fillasse de chanvre.

Le bourrelier confectionnait les harnais à la demande, les formes et les tailles variant en fonction des goûts du paysan, du gabarit de son cheval et du rang de celui-ci dans l'attelage. L'artisan devait examiner l'animal et mesurer son encolure avant de réaliser le collier. La tâche se trouvait considérablement simplifiée lorsqu'il n'avait qu'à renouveler l'équipement d'une bête de somme : il suffisait alors de se reporter aux dimensions du harnais à remplacer. Certains clients fortunés demandaient parfois des décorations particulières sur les œillères.

Les bourreliers célébraient aussi la Saint-Eloi.

 

Source : LA BELLE OUVRAGE - G. BOUTET - ISBN 2.86553.096.5