HISTORIQUE

Les origines du village

Il a été découvert à Steenwerck des objets très anciens, telle une monnaie romaine du IIème siècle. Il est cependant probable que la fondation du village, comme beaucoup d'autres en Flandre, date de la colonisation franque faisant suite aux invasions germaniques des IVème et Vème siècles. Le territoire communal est situé à l'écart des antiques voies terrestres. Il n'y eut sans doute longtemps ici qu'un îlot de peuplement parmi les bois et marais qui recouvraient la Plaine de la Lys.
Le Comte de Flandre, Robert de Jérusalem (1093-1111), concéda des privilèges aux "hommes de Steinwerc et de de Berkin (Vieux-Berquin)". Ceux-ci furent confirmés par un de ses successeurs, Thierry d'Alsace, dans une charte de 1160.
Au début du XIIème siècle, des Templiers se seraient implantés sur le site ; leurs monastères, appelés commanderie, furent souvent le point de départ de l'essartage des terres. En 1182, les terres de la paroisse sont allouées à l'abbaye Saint Jean-Baptiste de Chocques en Artois par l'évêque de Thérouanne. Le cartulaire dressé à cette occasion fait figurer pour la première fois l'emplacement du village.

Steenwerck - son étymologie

La Commune fut également appelé par le passé "STAINWERCK" et "ESTAINWERC", une origine est couramment donnée à ces noms. En Flamand, "steen" signifie pierre et "werk", travail. C'est par un ouvrage de pierre qui y fut fait qu'on appela le village : était-ce un pont jeté sur la Becque, la fortification d'une ferme francque, un sanctuaire religieux ? Il n'a pas été découvert de vestige qui puisse en certifier.

Steenwerck dans les courants de l'histoire

Sous l'ancien régime, ce territoire était rattaché à la Châtellenie de Bailleul qui avait ses propres lois et coutumes. Elle pouvait percevoir des droits de commerce ou de passage et lever des impôts exceptionnels. Elle possédait un parlement, l'échevinage, auquel des représentants de Steenwerck allaient siéger.
A l'échelon supérieur, c'était un fief des Comtes de Flandre, eux-mêmes vassaux du roi de France. Au début du XVIème siècle, Charles Quint, Comte de Flandre par la naissance, Prince des Pays-Bas, Roi d'Espagne et Saint-Empereur Germanique, libère le pays de la tutelle française.
Le joug espagnol s'y abat sous le règne de Philippe II, son fils. A cette époque, les idées de Luther s'étaient propagées. Cette église réformée, qui comptait de nombreux fidèles dans la région, fut réprimée dans le sang par les troupes du duc d'Albe. Les protestant émigrèrent en masse, emportant leurs richesses vers l'Angleterre ou la Hollande. En 1566 éclate la révolte des "gueux" qui saccagèrent plusieurs églises des environs dont celle de Steenwerck.
En 1650, la langue flamande est la plus usitée à Steenwerck.
En 1676, à la paix de Nimègue, Steenwerck est de nouveau français ; c'est alors l'apogée du règne de Louis XIV.
Avant la révolution, la commune avait une école dominicale, sous la direction du curée, occupée à l'enseignement des indigents de tout âges et des deux sexes.
Comme partout ailleurs, les bouleversements de 1789 firent éclore un Comité révolutionnaire à Steenwerck. Celui-ci, chargé de l'application des mesures ordonnées par le pouvoir central, était impopulaire auprès de la population catholique du fait de ses décisions antireligieuses. Ainsi, le curé de l'époque ("le citoyen Auguste CHARLES"), ayant refusé de prêter serment à la République, fut incarcéré à Douai, déporté, et finalement remplacé par un homologue assermenté.
Durant cette période, le comité de surveillance décida d'une visite dans les écoles pour voir si les instituteurs "ne laissent pas glisser des livres fanatiques dans les mains de leurs élèves". La municipalité décida également de perquisitionner chez les fermiers pour connaître la quantité de beurre qu'ils fabriquaient chaque semaine. Car la famine menaçait villes et villages, les fermiers ayant perdu toute confiance en la monnaie d'Etat.
En 1756, plusieurs maisons de la Place ont été incendiées par l'imprudence d'un boulanger de ce lieu.
La commune a été très marquée par les deux premiers conflits mondiaux. Lors de la contre-offensive allemande d'avril 1918, la région comprise entre Armentières et Merville fut constamment placée sous les bombardements, et Steenwerck fut en partie détruite.

Après avoir vu déferler les troupes allemandes en Août 1914 et assisté à l'arrivée des troupes anglaises lors de la contre-offensive de septembre, Steenwerck, situé à quelques kilomètres du front, vécut trois années parmi les régiments alliés de toutes nationalités, installés à l'arrière. Ce fut notamment un campement d'un millier d'hindous à la Croix du bac ; des dépôts de vivres et de munitions. La maison de retraite fût transformée en infirmerie et l'état-major vécut dans les grandes demeures.

Pendant cette période, quelques obus firent peu de dégâts, mais en avril 1918, lors de la grande offensive allemande, les habitants durent évacuer le village qui fut bombardé et miné. Voici ce que nous apprend un communiqué français du 12 avril 1918 sur cette époque : "La traversée de la Lys entre Estaires et Bac-Saint-Maur a été complétée par suite de l'évacuation d'Armentières. La lys était malaisé à défendre, il faut le reconnaître. Bien que voie navigable importante, elle est fort étroite, une quinzaine de mètres, souvent moins. Approfondie, dotée d'écluses, bordée d'un chemin de hallage, elle n'est en somme qu'un canal coulant à pleins bords dans des campagnes plates. Une fois ce fossé franchi, aucun obstacle, pas un village même, où puisse s'accrocher la défense. Une vaste plaine sillonnée de chemins en réseau très dense, bordée de maisonnettes basses, peintes de couleurs vives. Tout ce territoire, à population nombreuse, dépend de la commune de Steenwerck dont le chef-lieu ne compte qu'un millier d'habitants sur les 3700 de la commune. Le bourg est dépassé par l'ennemi. Il doit être une ruine maintenant, et c'est une perte douloureuse pour l'horticulture française. Steenwerck possédait un établissement peut-être unique au monde, où l'on produisait surtout les plants de fougère obtenus par des procédés d'ensemencement. Deux hectares de serres vitrées protégeaient ces cultures et celles de nombreuses variétés de plantes d'appartement. Et de grandes cultures de plein air s'étendaient dans la plaine. Le nom de Steenwerck, peu connu en France, était célèbre parmi les amateurs de plantes vertes et de fleurs rares de l'Europe. L'établissement alimentait l'Europe et jusqu'à la Tunisie et à l'Algérie pour les végétaux destinés à vivre en plein air. Qu'est devenu ce joyau de l'horticulture française ? Steenwerck est sur le chemin de fer de Lille à Calais, près de la frontière belge. Une route venue d'Ypres est accotée par un chemin de fer vicinal qui parcourt à sa base le massif des petites collines dites monts de Flandre, partagé entre la France et la Belgique. Au sud, après avoir dépassé Steenwerck, les Allemands ont devant eux les coteaux couverts de houblonnières, les " monts " au pied desquels est Bailleul, ville de 1300 âmes, peuplée de tisseurs et de dentellières. Ces monts dépassent à peine de 60 mètres le niveau de la plaine, qui est à 18 mètres environ. Le plus près de Steenwerck, le mont de Lille, a 48 mètres ; le Ravelsberg, qui le domine, en a 77. Au nord de Bailleul, les altitudes grandissent peu à peu. Le mont Noir a 131 mètres, le mont des Cats, couronné par un couvent de trappiste, 158. Nos alliés couvrent Béthune par une superbe et heureuse résistance."



Des chemins de terre au réseau routier

Les routes importantes semblaient soigneusement éviter le territoire de Steenwerck. Au moyen âge, il n'existait pas à Steenwerck de routes proprement dites. Il n'y avait que des "pierres de pas" qui permettaient de sauter d'une pierre à l'autre sans tomber dans la boue.
Aux états généraux de Flandre, tenus en l'église St Amand de Bailleul en mars et avril 1789, les délégués de Steenwerck apportèrent leurs doléances : "Les habitants de Steenwerck ont déjà payé des frais énormes pour leur part dans les impositions pour la construction des chaussées de Dunkerque à Lille et du Pont-Neuf (Pont de Nieppe) à Armentières. Cette énorme dépense ne nous a, jusqu'à présent, servi à rien du tout, étant éloignés d'une lieue environ de la grande route ; que s'il plaisait à la Majesté de nous faire jouir d'une grande aisance et commodité, ce serait de nous accorder un pavé de communication qui se ferait aux frais de l'état depuis l'enceinte du village jusqu'à la grande chaussée, soit à l'endroit nommé le Seau, soit à l'endroit nommé de Nouveau Monde. Par ce moyen, nous serions à même d'étendre notre commerce en blé, en toiles et en bois avec les villes de Bailleul et d'Armentières.". Satisfaction ne leur sera accordée que beaucoup plus tard.
Une amélioration intervient dans la commune même à partir de 1847. C'est la régularisation de la largeur de ses chemins et la stabilisation de leurs chaussées avec du gravier provenant de St-Omer.

Les voies navigables

La circulation terrestre était donc particulièrement difficile, les routes n'étaient que de mauvais chemins de terre qui constituaient des marécages l'hiver et des nids à poussière l'été. C'est pourquoi les Steenwerckois utilisèrent la becque comme moyen de transport. Ce n'était pas le petit ruisseau s'enflant démesurément en cas de pluie que l'on connaît aujourd'hui, elle était alors canalisée et garnie d'écluses qui réglaient le débit de l'eau.
Ce fût après l'hiver 1635, durant lequel Bailleul avait été complètement isolé et n'avait pu être ravitaillé que par la navigation sur la Grande Becque, que Philippe IV, roi d'Espagne et comte de Flandre, autorisa la levée de 4000 florins afin de régulariser son cours. La rivière fut alors garnie d'écluses : il y en avait une à "la bourse", entre Bailleul et St Jans-Cappel, et deux autres entre Steenwerck et la Lys.
Des fonctionnaires étaient constamment chargés de surveiller l'étiage du cours d'eau et de lui assurer un débit suffisant pour permettre la circulation de petits bateaux à fond plat. En 1699, après la conquête française, la becque étant devenue insuffisante pour assurer le transport des marchandises, il fût même très sérieusement envisagé de substituer à son cours sinueux un canal à plus fort gabarit reliant Bailleul à la Lys.
Le droit de transport de marchandises et de voyageurs sur la becque était mis en adjudication tous les six ou neuf ans. Le bateau qui faisait la navette deux fois par semaine jusqu'à la Lys puis Armentières avec à son bord marchandises et voyageurs s'appelait le "Marschep" ou "Marschipp" (soit -Markt schip- en néerlandais = bateau du marché).
L'embarquement se faisait sur la place de l'église, occupée par le cimetière que coupaient des passages publiques. Cette pratique était encore courante en 1870.
Vers 1928 une autre idée fît son apparition : celle d'un canal de 85 km de long, 100 m de large et 13 m de profondeur entre Dunkerque et Lille. Le projet de M. Antoine DUFFIEUX, ingénieur à Versailles, consistait en un gigantesque canal maritime qui aurait permit aux navires de haute mer d'aller se faire décharger à Lille ; supprimant ainsi le transbordement des marchandises sur trains ou péniches. Il devait passer à proximité immédiate de Steenwerck, on y escomptait le passage annuel de 4000 navires. Ce devait être en plus un ouvrage défensif : tous les déblais auraient, en effet, constitué sur la rive sud un impressionnant retranchement garni de blockhaus, de canons, de mitrailleuses, etc… tandis que l'autre rive servait de champ de tir. Malgré l'approbation du projet par de hautes instances, il resta sans suite.

Les sondages archéologiques de 1987

Ces sondages, réalisé autour de l'église actuelle, permirent de mettre au jour certaines fondations des églises précédentes : d'abord celles de l'église détruite en 1918 et qui datait de 1900, puis celles de l'édifice démoli en 1898, pour terminer par celles d'un édifice inconnu.
Les substructures du bâtiment inconnu se révélèrent être celles d'une église de plan roman (église en forme de croix latine, chœur à chevet plat, avec absidioles sur le transept) faites en petits grès des monts de Flandre sans mortier.
Les fondations de l'église du 13ème siècle, démolie en 1898, sont aussi en grès des monts de Flandre et en grès Landéniens, mais avec mortier. Cette église se superposait à l'église romane, la largeur étant celle du transept.
La sacristie de l'église de 1900 (les matériaux des fondations étaient au moins en partie, une récupération de ceux de l'église précédente) occupait l'emplacement du côté gauche du transept de l'église romane. Des squelettes, dont deux devaient être antérieurs à la première église, ont été retrouvés près de ces murs. Les autres, d'époques différentes, se trouvaient dans l'absidiole gauche, le transept, ou le bas-côté gauche. Des morceaux de carrelages historiés du 14ème siècle étaient aussi dis-persés dans les terres d'inhumation. Des tessons de poteries, dont quelques uns d'époque romaine, et cinq pièces de monnaie (3 pièces médiévales avec les ossements et 2 pièces romaines, dont une de Faustine II -2ème siècle-) étaient dispersées dans les terres près des fondations. De nombreux morceaux de tuiles romaine (mais cette fabrication a continué après la période romaine) étaient incorporés aux fondations de la première église.
Si l'on fait l'hypothèse qu'un édifice romain a existé à cet endroit, l'emplacement des églises serait alors un lieu de culte très ancien près de la Beke. Ce lieu aurait été légèrement surélevé, car il est certain qu'au vu des fondations, le niveau du sol a été abaissé pour la chaussée.