LA LAICITE DE L'ENSEIGNEMENT

 

Le problème de l'enseignement, et spécialement celui de l'enseignement primaire qui s'adressait aux enfants du peuple, inquiété les républicains de la IIIème République. Il ne s'agissait pas pour Jules Ferry, qui a attaché son nom au développement de l'instruction primaire, d'arracher la France à l'ignorance - d'autres régimes avant lui s'en étaient chargés - mais d'arracher les écoles primaires du peuple des mains de l'église.

Pour cela, il faut développer l'enseignement laïque, c'est à dire revenir sur la loi Guizot et la loi Falloux, qui ont permis au congrégations religieuses et aux Frères des écoles chrétiennes d'assurer l'enseignement dans près de la moitié des écoles primaires publiques, et qui obligent l'instituteur, même s'il est un laïc, à enseigner aux enfants le catéchisme et à les conduire aux offices religieux.

Mais pour laïciser l'enseignement, il faut le rendre obligatoire, et surtout en assurer la gratuité pour ne pas écarter les enfants des pauvres. Ainsi s'explique la fameuse formule de Jules Ferry : enseignement primaire obligatoire, gratuit, laïque, que les lois scolaires de 1881 et 1882 font entrer dans les faits.

Un seul maître tu auras
Et aimeras parfaitement.
Jamais tu ne voteras,
Contre son avénement.
A tout ce qu'il demandera,
Tu répondras OUI constamment.
Et tout ce qu'il te dira,
Tu le croiras aveuglément.
Ses ordres exécuteras,
Sans raisonner aucunement.
Les impôts tu lui paieras,
Toujours très exactement,
Afin qu'il ne manque pas
De s'engraisser à tes dépens.
Tes enfants lui donneras,
Pour s'entre-tuer cruellement.
Quoi qu'il fasse tu seras,
Bon gré, mal gré toujours content.
La poule au pot tu auras,
A ce prix là seulement.

"L'instruction obligatoire" est une caricature antiroyaliste. Le maître d'école royaliste, le martinet en main, enseigne à une bourrique quelque peu rétive (le citoyen français) les dix commandements du parfait sujet.

 

A ces lois scolaires s'ajoute, lorsqu'il s'agit de l'enseignement du second degré, une attaque directe contre les congrégations. N'ayant pu obtenir du Sénat le vote d'un article de loi interdisant d'enseigner, même dans les écoles et collèges privés, aux membres des congrégations non autorisées, et qui visait les Jésuites, Jules Ferry fait prendre par le gouvernement deux décrets (29 mars 1880) qui exigent l'évacuation par les Jésuites de leurs établissements dans les trois mois, et laissent le même délai aux congrégations non autorisées pour se mettre en règle. Ces décrets furent fermement appliqués, et la dispersion de 5000 congréganistes, sans compter l'exclusion de religieuses des hôpitaux par certaines municipalités anticléricales, souleva l'indignation des catholiques.

Expulsion d'un jésuite - 1880

 

 

(HISTOIRE DE LA FRANCE - LAROUSSE - GEORGES DUBY)