L'HOFSTEDE ET LA CENSE

 

Il ne s'agit plus ici de maison d'un type particulier, mais de l'articulation des bâtiments qui composent une exploitation. Comme partout ailleurs à une époque de référence s'étendant de part et d'autre du XIXe siècle, ces bâtiments, outre l'habitation, sont l'étable, l'écurie, la grange, le chartil.

Hofstede

Peut-on, à partir de deux appellations différentes et d'une discontinuité du bâti plus marquée dans le pays flamands que dans les pays adjacents, voir dans la fermeture ou la non-fermeture de la cour par les bâtiments une influence ethnique ?

Par comparaison, on voit que dans le type d'exploitation agricole à bâtiments multiples de l'Houtland, ceux-ci ne sont pas jointifs. Mais il est possible de trouver une telle organisation dans le pays lillois, où toutes les censes ne sont pas à cour fermée. De ce point de vue, le pays lillois offre une transition entre les fermes à cour complètement fermée situées plus au sud et les fermes à cour ouverte de la Flandre.

La particularité des censes réside-t-elle dans l'inscription des bâtiments et du potager à l'intérieur d'une aire délimitée par des fossés remplis d'eau ?

La distinction rigoureuse qu'on fait trop souvent entre l'hofstede flamande et la cense picarde est mise en doute par l'interpénétration des caractères des deux genres. II est d'autant plus délicat d'attribuer une origine ethnique à chacune de ces catégories d'exploitation que l'on trouve en "West Flandre", de l'autre côté de la frontière belge, de "petites fermes de polder" qui, comme les exploitations à cour fermée des grands domaines seigneuriaux ou ecclésiastiques, sont entourés d'un fossé.

La création de ces fossés s'expliquent par la sécurité qu'ils procurent contre les hommes et contre les eaux. La terre qui en provenait était utilisée pour surélever la cour intérieure et fabriquer ainsi une butte sur laquelle on construisait la maison d'habitation. L'existence d'un fossé autour des bâtiments de ferme n'est donc en rien un critère de différenciation.

Peut-on alors proposer une explication de la différence entre hofstede et cense par le resserrement des bâtiments ?

Si on peut établir que les hofstede flamandes se sont implantées dans un pays relativement vide au milieu de leurs terres, et qu'ainsi elles ont pu conserver, avec leurs toits de chaume, des écarts entre bâtiments suffisants pour éviter les risques d'incendie, les censes a cour fermée du pays lillois et du Hainaut ont été construites dans des régions plus peuplées et au milieu de villages. Cette situation aurait obligé divers propriétaires à resserrer leurs bâtiments, à construire en brique et à couvrir les toits en tuiles.

On peut objecter, il est vrai, que les Flamands étaient les précurseurs et les maîtres de la construction en matériaux de terre cuite. Les informations sur un passé récent montrent cependant que le chaume s'est plutôt maintenu dans la Flandre (Houtland et Nordland) que dans les pays situés plus au sud.

Le respect de la tradition en matière d'architecture n'aurait-il pas ici une connotation ethnique ?

II le semble bien, si l'on note qu'en Flandre flamingante les fermes en pan de bois et en torchis étaient plus nombreuses qu'en Flandre wallonne. Les paysans étaient plus traditionalistes et le restent encore.

C'est en Flandre wallonne que la tuile flamande s'est répandue le plus rapidement, car elle réduisait considérablement le risque d'incendie. Quel que soit l'enchaînement des raisons qui déterminent ces différences, le statut juridique de l'exploitation est certainement l'une de celles qui interviennent le plus régulièrement : le faire-valoir direct s'impose dans l'aire d'extension de l'hofstede, le fermage dans celle de la cense, le terme censier étant l'équivalent de fermier.

Cense

Dans le premier cas, on a affaire à une maison conçue et construite par les paysans eux-mêmes, avec l'aide d'artisans locaux ; dans le second, il est certain que ce sont de véritables entrepreneurs qui ont réalisé ces fermes selon des plans quasiment uniformes, avec des matériaux nouveaux : la brique et la tuile.

La séparation entre hofstede et ferme à cour fermée est plus nette en Belgique où la première est le type d'exploitation le plus répandu, toujours disposée de la même manière : au fond de la cour, l'habitation du fermier, l'écurie sur l'un des côtés, la grange et le chartil et les étables en face.

L'opposition entre hofstede et cense, toutefois, n'a pas de limite précise, car des censes ont été construites en pays flamand.

Source : L'architecture rurale française - la manufacture (ISBN 2-7377-0111.2)